Vers 3h du matin je me fais réveiller par le bruit d'un ferry. J'observe avec la lueur de la lune que les vagues ne fassent pas chavirer mon PackRaft. Rien à déclarer, je me rendors. 

Au réveil j'assiste à un beau panorama. La lune est encore présente et se reflète dans l'eau lisse. Le ciel est légèrement rougeâtre et s'éclaircit petit à petit.

Ce matin, je décide de profiter de ce superbe campement. Peut-être est ce le dernier avec ce standing, qui sait ?

Je prends ainsi le temps de lire tranquillement devant le feu mais aussi de bricoler un peu. Je grave du bois flotté au couteau.

L'heure tourne et il faut peut être que je décampe si je veux faire au moins 20km aujourd'hui. 

L'eau est remontée (effet de la marée sûrement) ce qui évite de devoir remettre les pieds dans la boue. Je charge mon George et prends le large. Il est tout de même midi... les 2h de lecture ont été prenantes. 

Ce matin encore le temps est idéal. Du soleil et pas de vent. Me voilà gâté !

La navigation se passe sans encombre. Je croise quelques péniches et bateaux de croisière. Comme le Rhône est très large, je longe les berges. Cela me permet d'une part d'observer la nature et ses beaux arbres et de l'autre avoir la sensation d'avancer. Au milieu de l'eau les repères sont tellement loin que l'on a l'impression de ne pas avancer.

Quelques kilomètres passent et à un endroit où je ne comprends pas pourquoi les bateaux sont canalisés sur un côté avec des poteaux de navigation, j'entends de gros bruits de moteurs derrière moi. 

Je regarde au-dessus de mon épaule et vois 2 gros Canadairs voler tout bas et passer au-dessus de moi. J'ai juste eu le temps de les prendre en photo. Je les vois piquer du nez derrière un méandre du Rhône et repartir. Impressionnant !

Quelques centaines de mètres plus loin je vois un panneau indiquant que la zone que je viens de passer était une zone d'écopage interdite à la navigation... d'où la bifurcation des bateaux. Et moi dans l'histoire je naviguais tranquillement là où un canadair aurait pu me happer... Arg ! J'ai dû rater le panneau de signalisation en début de zone.

Sur les berges sont présents de grands et majestueux Tremble. Ils ont l'écorce blanche et des branches qui vont un peu dans tous les sens terminées par de petites feuilles. Quelques fois on peut les apparenter à des brocolis géants. 

Je passe la barre des 300km de Rhône descendu ! L'arrivée est proche. Encore environ 40km et j'atteins la mer !

Les heures de pagaie passent sous un soleil de plomb. Il me faudrait de l'eau, je n'en ai plus et la soif se fait sentir. Sur ma carte je vois la présence de quelques petites maisons pas loin de la berge et avec une zone dégagée pour accoster. Par chance c'est même une rampe qui est présente. Une fois le bateau garé, je descends avec ma gourde pour trouver de l'eau. Je me trouve dans un petit Mas, le Mas de la Commanderie plus exactement. Un grand hangar portant le nom du Mas est entouré de plusieurs petites maisons. Une maison dont le jardin est magnifiquement entretenu m'incite à aller sonner à la porte. Pas de réponse mais 1mn plus tard une voiture se gare. C'est justement l'habitante et ses deux filles. Je leur demande de l'eau. Delphine (la maman) me remplie gentiment ma gourde et me demande par quel moyen j'ai atterri ici. Nous discutons un petit moment et j'apprends l'origine de ce lieu. Jadis c'était un lieu de récolte du raisin et une plateforme pour exporter le résultat par bateau. Les petites maisons devaient être le lieu de vie des travailleurs. De nos jours ce sont des habitations et le raisin a été remplacé par du riz.

Delphine m'accompagne jusqu'à mon embarcation, curieuse de voir cela et m'indique qu'une île à quelques kilomètres peut être sympa à accoster. C'est l'île des Pilotes que j'avais justement ciblée.

Je la remercie encore pour l'eau et les informations et reprends les eaux. 

Il est déjà 17h30 et j'en ai encore pour 1h de pagaie afin d'atteindre l'île. En mode sport, je rame avec ardeur. J'atteins l'île et scrute la berge en quête d'accostage. Mais en vain.. 

Les berges sont hautes et surtout denses en végétation, m'empêchant de débarquer.

Je continue mon chemin. L'heure tourne et il se fait 19h. Il me faut absolument atteindre une rive coûte que coûte. 

Tous les 500m des panneaux indiquent le point kilométrique actuel. En général le lieu des panneaux est dégagé. 

Je ne me pose pas de question en voyant le point kilométrique 312,5 et accoste. 

Ici un peu de sable permet de s'arrêter mais il y a un raide versant à escalader pour atteindre la berge. Au-dessus on tombe sur un chemin en herbe et de vastes champs vierges (pour des cultures de riz je pense). Ce n'est vraiment pas le top comme lieu de dernier bivouac mais pas le choix. Je hisse mon sac sur la berge et monte rapidement la tente. Avant que la nuit ne tombe, je fais chauffer de l'eau au réchaud pour mon lyophilisé et m'enferme dans la tente pour éviter de subir ces satanés moustiques. C'est une soirée tente. 

Peu avant de fermer l’œil j'entends le bruit d'un ferry passer et quelques secondes plus tard la vague lécher les berges. De la tente je ne vois pas mon embarcation en contre bas. Je sors vite et m'approche de la berge pour constater que le pauvre George a été secoué. Il y a plein d'eau dans le PackRaft et Jojo est sur la tranche... ça a dû secouer ! Une misère ces parpaings flottants. Je laisse l'embarcation dans l'état (je suis en slip et j'ai la flemme de tout remettre), ça attendra demain matin. 

J'ai bien fait, 2 autres ferries passent avec la même délicatesse !